Les dommages environnementaux, un crime pénal international ?
- Séphora Kermabon
- 22 févr. 2024
- 2 min de lecture
Dernière mise à jour : 15 juil. 2024
La Cour pénale internationale pense à élargir son champ d'action pour intégrer les crimes environnementaux à son mandat.

La Cour pénale internationale (CPI) juge les crimes les plus graves contre le droit humanitaire international. Son statut a été adopté lors de la Convention de Rome de 1998. La CPI n’est donc pas compétente pour juger de crimes internationaux non-listés dans ce texte fondateur. Ainsi, depuis 2002, date de son entrée en vigueur, la liste exhaustive (et relativement limitée) des infractions dont peut connaître la CPI, est la suivante :
les crimes contre l’humanité,
les génocides,
les crimes de guerre,
et les crimes d’agression.
Une compétence circonscrite qui a récemment été remise en cause par le procureur général de la Cour pénale internationale, Karim Khan. Début février 2024, il a dit souhaiter que la CPI puisse poursuivre les “crimes environnementaux”.
Selon lui, il ne sera pas nécessaire de modifier le statut de la CPI.
Pourquoi ? Parce que les impacts environnementaux sur les personnes et la nature "nourrissent" les crimes de guerre ou contre l’humanité. Le procureur s'explique : "Attaquer une centrale nucléaire, un barrage, utiliser des produits chimiques, par exemple, pour financer un conflit" par l'extraction de minerais précieux, "tout cela peut provoquer des dommages environnementaux, causés dans un contexte de génocide, de crimes de guerre, de crimes contre l'humanité, voire de crimes d'agression".
Cette approche démontre comment les atteintes aux personnes et à l’environnement pourraient être jugées conjointement dans un futur proche. En effet, dans un contexte géopolitique de plus en plus tendu, les ressources naturelles risquent de nourrir de nouveaux conflits via la transition énergétique qui nécessite l’exploitation de minéraux rares et précieux.
Et les populations vulnérables vivant dans des zones sous tension conflictuelle seront d’autant plus impactées par les conséquences du réchauffement climatique (sécheresse, pénuries d’eau et de nourriture, hausse des eaux, etc.), ce qui alimentera les tensions sociales.
En pratique, ces contentieux existent déjà puisqu’en 2021 au moins deux dossiers pour "crimes contre l'humanité" avaient été déposés devant la CPI contre le président brésilien Jair Bolsonaro pour son rôle dans la déforestation amazonienne.
Le Bureau du Procureur a donc lancé une consultation publique sur un nouveau projet de politique générale visant à établir les responsabilités dans les crimes environnementaux en vertu du Statut de Rome. L’objectif est d’élargir sa compétence aux crimes internationaux à l’horizon 2024.
Une réalité à prendre en compte dès à présent, dans la mesure où, déjà en 2016, la CPI avait annoncé qu’elle se pencherait sur "les ravages écologiques, l’exploitation illicite de ressources naturelles ou l’expropriation illicite de terrains".
La montée en puissance et la standardisation de la justice environnementale internationale est à anticiper par tous les acteurs : société civile, associations, entreprises, investisseurs et États.
Toujours en février, le Conseil constitutionnel français réunissait des magistrats et des experts mondiaux pour échanger sur la justice, les générations futures et l'environnement.
Une justice verte qui se structure.